Web soumission #french #introduceyourself

in #ai7 years ago

Web summit, kiosk Mercedez, file pour les cafés, 15h

  • Otoco?

Elle attend un café et une réponse. Blonde, Impatiente, 1m65, poitrine moyenne. Elle se tourne vers le comptoir. Elle attrape deux gobelets en carton en tend un au jeune homme.

  • So What’s Otoco?
  • Bonne question ! répond Thom, les yeux verts perdus dans le présent.

Le menton de la blonde se lève entraîné par l’appréhension de ses sourcils.

  • J’aimerais dire que c’est un mouvement. Dit-il rêveur.

Agacée, elle sort son smartphone et scanne le QR code du badge jaune qui pend à son cou. Elle accueille le résultat sur l’écran avec un mince sourire puis se tourne vers sa collègue.

  • Il n’existe pas.

Brune, un peu plus grande, un peu plus de seins.

  • Nothing digital ?! Seriously? Let’s go !

Les filles s’en vont. Thom est tenté de se scanner lui-même. Voir si son titre de « mover » apparaît bien dans sa bio.

Le prochain talk va bientôt commencer. Il marche entre les stands. De longues banderoles descendent du plafond. Les 20 start-up qui font bouger la médecine. Les 20 start-up qui font bouger le voyage. Les 20 start-up qui font bouger la vidéo … Thom longe une plateforme aménagée, avec des sièges face à deux fauteuils à côté d’un écran plat. Un type Pitch son idée. Des humains en baskets grouillent. Ils avancent le visage éclairé. La main en avant, ils brandissent leur téléphone à travers la foule comme un bouclier. Thom suit cette intuition électronique comme un gros poisson qui nage au fond de l’océan avec une antenne lumineuse en guise d’appât.

Universal Basic Income

Un vieux, une jeune. Deux pupitres. 10 minutes chacun pour s’affronter sur le sujet.

La gonzesse, tétons discernables sous le coton gris, raconte en quoi ce serait génial qu’on ait tous un revenu minimum. Les téléphones se dressent petits à petits et filment. Le type, veste en tweed, démontre avec des calculs pourquoi ce n’est pas envisageable, combien ça coûterait à l’état et au contribuable :

  • Le double en taxes ! Plus d’accès au système santé, plus d’accès au système éducationnel… En gros, si vous receviez 1000 euros au Portugal, vous seriez immédiatement endettés de 3000 euros.

Il cite le discours de la Suède :

  • Ce ne sera pas profitable aux sans-emplois. On le sait, c’est eux qui en payeront le prix. By the way, juste pour exemple, le salaire universel de base de l’Inde serait de 7 euros par mois, l’Alaska, 92 euros par an.

Les téléphones s’abaissent.

L’organisatrice l’interrompt. Elle est pimpante, le buste droit, les seins rebondis comme deux amplificateurs pour sa voix. Elle affirme :

  • C’était passionnant ! Amazing !

Et infantilise le public :

  • On a vraiment beaucoup appris.

Elle prend une moue interrogative comme si elle avait une décision importante à prendre.

  • Il est temps maintenant.

Comme si elle faisait monter de la mousse de lait, elle gonfle ses seins de toute son humanité, de toute son intégrité mais aussi du devoir que lui incombe sa position et s’adresse au public.

  • Nous allons procéder au vote à main levée.

Nouvelle respiration solennelle.

  • Je vais vous demander de lever la main. Qui, après ce débat, est contre ?

Personne n’est contre.

  • Qui est pour ?

Tout le monde est pour.

On peut retourner dessiner avec des voitures télécommandées. Le salaire universel hypothétique de base du Portugal = le billet d’entrée au Web Summit, faut bien s’amuser un peu. Tel un poisson-pêcheur dans l’abysse, Thom rallume son antenne.

Au menu :

"Change the way we code. Where we’re going, we won’t need roads: Flying cars are coming. Adapt or die: Winning in wealth management. AI & the future of Work: A conversation with Slack. Drones and dirt, … "

Thom demande de l'aide à un volontaire pour trouver la conférence qui l'intéresse. Celui-ci lui emprunte son smartphone et lui indique comment utiliser le gps de l'application.

AI & the future of work

Il n’y a plus de chaises disponibles. Thom finit par s’asseoir à même le sol entre les deux rangées. Une demoiselle s’approche.

  • The King’s row ! S’exclame-t-elle en s’asseyant à côté de lui.

Ses cheveux noirs bouclés dégringolent jusqu’à sa taille et cachent ses seins.

  • Comédienne ? demande-t-il naïvement.

  • Avant. Maintenant. Investisseuse. Londres. Répond-t-elle laconiquement.

Elle scanne le badge de Thom avec son smartphone et se met à tapoter sur le petit écran. Il ressent une légère vibration dans sa poche et lit une notification.

  • Salut. C’est Elise du Web-Summit.

Circonspect, Thom écrit à son tour.

  • Salut.

Tous deux, à moins d’un mètre de distance, poursuivent leur discussion avec leurs pouces, courbés comme deux singes qui éplucheraient ensemble des cacahuètes.
Elle écrit :

  • Waw ! Je suis sur ton site. C’est vraiment beau.

  • Merci.

Elle swipe. Thom reçoit une demande d’ami sur Facebook. Il accepte. Elle fait défiler des images du profil Facebook de Thom. Elle like. Il reçoit une notification comme quoi elle le suit sur Instagram. Elle swipe quelques photos et commente.

  • Pas de Tumblr ?

  • Non.

Elle revient au site.

  • J’aime beaucoup mais qu’est-ce que tu fais ici ?

Thom la regarde. Elle ne le regarde pas. Elle est accroupie, le visage phosphorescent captivé par son smartphone. Il ne sait plus s’il doit répondre par écrit ou utiliser sa bouche.

Center Stage

Zigzags à travers les contrôles jusqu’au stade et ses 15 000 places. Des citernes lumineuses roses et bleues flottent suspendues à des poutrelles d’acier telles des nuages cubiques à l’orée du plafond.

Sur un écran de 25 mètres, un homme, cheveux courts, succès gravé sur les pommettes parle de sa dépression chronique, du bonheur de tomber amoureux et demande au public :

  • De quoi avez-vous peur ? Qu’avez-vous peur de perdre ?
    L’intelligence artificielle est un risque à prendre ! Nous devons-nous adapter à l’AI. Pas l’inverse ! Regardez un enfant jouer avec un ordi ! Evolution !

Un tonnerre d’applaudissement parcourt l’assistance.

Un type en t-shirt annonce le CEO d’INTEL.

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Nouveau coup de foudre. Le stade retentit.

Cinquantaine ou peut-être plus, il harangue le public, comme une équipe de sport un peu molle, un corps difforme qu’il briefe à son tour sur l’AI :

  • Better decision making !

Quelques exemples, puis :

  • Intel True VR. Be the Player!

Le CEO traverse la scène.

  • John!

Un type avec un casque à réalité virtuelle sur les yeux.

  • Yes!

  • Qu’est-ce que nous voyons?

  • Une simulation digitale de ce que mon joueur de basket favori voit en temps réel !

  • Est-ce que vous êtes en train de me dire que: You can be the player!

  • Absolutely !

  • Ça va changer le monde du sport !!

Panier à 3 points. L’équipe d’Oregon revient au score.

L’écran affiche : “The future is immersive media !”

Thom et ses milliers de congénères prennent une photo.

Le CEO fait entrer une voiture avec une caméra sur le toit. Thom prend une autre photo et observant son voisin, se dépêche de la poster.

  • Bientôt, vous verrez cette voiture partout sur la planète !

L’écran affiche : “Automated to autnomy.”

Le CEO enchaîne les sujets dans un orage orgiaque.

  • La reconnaissance faciale combat l’abus d’enfants!

Pluie d’applaudissements.

  • Les drones distribuent des gilets de sauvetage en mer.

John met la bande-son du film Les dents de la mer.

Torrents de frissons.

Après avoir sauvé le public de la noyade, le CEO remercie l’assemblée et se tourne vers l’écran tel un prêtre vers l’autel qui s’apprête à délivrer l’Ostie.

Un couple à cheval voit passer un train. Il crache par terre. Dans le train, une femme lit un article sur les avions. Son voisin fait non de la tête. Dans l’avion, un homme mange un plat réchauffé au four à micro-ondes. Sa collègue lève les épaules et ainsi de suite jusqu’à un médecin qui affirme à son patient avec l’application Intel qu’il pourrait soigner un cancer avant même qu’il l’attrape.

La techno-béatitude gronde de joie et la foule quitte le stade comme une colonie de fourmis. Applaudissant au pas, hypnotisés par les mots sur l’écran : « Nous ne voyons pas le futur, nous le construisons. »

Légèrement ivre de participer à l’avenir, marchant dans sa direction, Thom se dirige vers le Sunset Summit pour la rasade collective. Mais Thom n’a plus de batterie. Il s’arrête au stand BNP-Paribas pour recharger son smartphone. Une hôtesse s’approche de lui et lui tend un bic avec une graine dans le capuchon. Elle scanne son badge.

  • Vous venez juste de planter un arbre.