ALLEZ EN PAIX
«Allez en paix mes enfants !»
C’est sur ces paroles déclamées par le prêtre de la paroisse Sainte Hermine, que Jean-Claude quitta l’église de la ville de Pantin.
Jean-Claude, depuis sa prime jeunesse, n’avait jamais manqué un office.
Où qu’il soit, quoi qu’il fasse, l’office du dimanche était incontournable,
un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte.
Jean-Claude était né dans une famille catholique pratiquante, très pratiquante. En dehors des messes dominicales obligatoires, la famille, enfant compris, participait chaque mois à des soirées de prières. Dés l’age de 10 ans, Jean-Claude devait aller se confesser chaque semaine à l’église du quartier.
«Il est très important de te confesser de tes mauvais actes, de tes pensées. Le Seigneur voit tout, mais il pardonne à celui qui se repent !» Lui répétaient sans cesse ses parents.
Alors, Jean-Claude allait chaque vendredi à la rencontre du prieur pour y confesser ses péchés. Au début il inventait des bêtises pour dire quelque chose au prêtre. Et puis, se disait-il, ses parents savaient bien eux. Tous les enfants font des péchés, mais ils leurs sont pardonnés si ils se confessent.
A la puberté, ce sont plutôt ses pensées qu’il demandait de se faire pardonner, quelque fois, aussi, les actes qui suivaient ses pensées.
A chaque fois le confesseur lui disait : «Va en paix mon enfant.»
Et Jean-Claude allait en paix, jusqu’au vendredi suivant.
Le père de Jean-Claude était comptable. Sa mère, tenait le foyer et était très prise par les réunions du conseil paroissial qui occupaient tous ses mercredis après-midi et quelques samedis.
Dans la famille de Jean-Claude, la religion c’était du sérieux. Une mode de vie. D’ailleurs, la religion venait avant leur vie ou leur vie était la religion.
Jean-Claude se complaisait dans cette philosophie de vie. Ce fonctionnement devint rapidement une option incontournable, sa seule option.
Il traversait ainsi sa vie en allant en paix, puisque le Seigneur, dans sa grande bonté et par le relais de la confession et du représentant de Dieu, lui pardonnait tout et lui garantissait le repos éternel.
Jean-Claude perdit ses parents alors qu’il venait d’atteindre ses 30 ans.
Le Seigneur, dans sa grande bonté, les avait rappelé à Lui. Il avait même bien fait les choses puisqu’ils étaient décédés ensemble, dans leur lit, pendant leur sommeil, asphyxiés par le gaz de leur cuisinière qui avait, apparemment, été mal éteinte.
Jean-Claude, s’était confessé 2 fois à la suite cette semaine là. Le lendemain du drame, soit un mercredi, et le vendredi.
Et il alla en paix, rassuré sur le fait que ses chers parents étaient maintenant auprès du Seigneur pour l’éternité.
Le Vendredi de repentir ne suffît plus à Jean-Claude très rapidement.
A cette confession hebdomadaire, le mercredi devint utile, voir indispensable.
Jean-Claude se retrouvait seul dans la grande maison familiale avec ses souvenirs, ses rites et sa paix intérieure rechargée maintenant deux fois par semaine.
Souvent, le mardi, il s’absentait le soir pour ne revenir qu’au petit jour. Il restait ensuite un bon moment dans la buanderie au fond du jardin avant de retourner à la maison pour prendre sa douche, s’habille de propre et sortir pour se diriger vers son lieu de pénitence.
Il revenait ensuite au domicile familial après être passé chez le boulanger pour son pain quotidien, son esprit empli de paix intérieure.
Ce mercredi là, Jean-Claude n’entendit pas immédiatement les hurlements des sirènes de police qui se dirigeaient vers la maison de ses parents. Il ne vit pas non plus les hommes en armes postés à l’angle de la rue donnant derrière la buanderie de la maison de son enfance.
Il trouva, dans un premier temps, la lumière bleue étincelante des gyrophares qui l’entouraient extraordinaire. Mais il ne compris pas la suite. Sa paix intérieure fut perturbée ce jour-là.
Deux jours plus tard, Jean-Claude était de retour dans sa chère maison. Il n’était plus seul. Il était accompagné par plein de gens qu’il ne connaissait pas. Certains armés jusqu’aux dents. Il avait les mains attachées dans le dos. Des ouvriers avaient fait un gros trou dans le jardin familial. Des grands sacs blancs en plastique à fermeture éclair s’alignaient devant la buanderie. Les gens qui l’accompagnaient n’avaient pas l’air content.
Jean-Claude, lui, s’inquiétait.
Le laisseraient-ils aller à la confession du vendredi ?
Surtout que cela ne devrait pas durer trop longtemps cette fois.
Depuis son départ imprévu de chez lui, il n’avait à confesser que des pensées.
Il aspirait seulement à aller en paix.
FIN
j'aime bien ton petit fil de vie
Merci. Toujours intéressant d'avoir un retour de personnes neutres.
Très original, la fin est vraiment surprenante :)
Merci. J'aime bien entraîner sur une fausse piste et surprendre.