La disparition de l'autre: l'insulte
Comme toutes les politiciennes, elle doit faire du terrain, parler aux gens, les écouter. C’est un travail qui demande d’être capable d’en prendre. Même le futur gagnant n’arrête pas de le répéter à la radio et à la télé : « il faut être capable de prendre la critique, de vivre avec. Il faut aimer les gens ».
Cette affirmation enfonce des portes ouvertes. Cependant, il y a une différence entre critique et insulte. Lors de l’exercice délicat, mais au combien essentiel exigés par les journalistes et les citoyens des bains de foule, certaines personnes en profitent pour invectiver les politiciens. En fait, bien souvent, peu importe le politique en question, la personne souhaitant injurier trouvera une bêtise à crier.
Elle le sait. C’est une des raisons pour laquelle elle a des papillons dans le ventre juste avant d’entrer dans un lieu public, peu importe lequel. Pourtant, elle s’en tire plutôt pas mal. La plupart des insultes qu’elle reçoit concernent la classe politique en générale et non elles en particulier. C’est même plutôt amusant parfois : les gens sont très créatif, elle peut vous l’assurer.
Tenez, un exemple. Imaginez la scène. Elle s’avance vers un groupe composé de trois retraités : 2 femmes et 1 homme. Elle leur adresse la parole en parlant de sujet vague pour entamer la conversation :
Elle : « Bonjour mesdames et monsieur, avez-vous suivi les élections jusqu’à maintenant? »
Monsieur : « Non. Les politiciens c’est tous des pourris. Je ne veux rien savoir de la politique. »
À ce moment, monsieur a les bras croisés et porte un regard antipathique. Les deux dames, elles, tentent de garder un regard sympathique et compatissant envers la femme qui adresse la parole au groupe.
La conversation commence. Elle dit : « Et bien, je me présente. Je m’appelle *Elle. Je suis candidate du Parti Politique pour la circonscription deQuelque Part et je pense qu’il faut oser s’impliquer en politique plutôt que de laisser la place aux pourris, justement. Qu’en pensez-vous? »
Monsieurs répond : « Ben tu vas pourrir toi aussi », les bras croisés et en faisant la baboune (boudant).
Une des dames dit : « Ben voyons donc, ne dit pas ça! »
Sans prendre en compte l’avertissement de madame, Monsieur renchérit : « Je vais vous en conter une bonne. Savez-vous c’est quoi la différence entre un arbre mort pis un politicien? Il n’y en a pas. Les deux sont pourris fais qu’il faut les abattre », dit-il. Il rit de sa blague seule, les bras croisés, le regard méprisant.
Bon, maintenant, vous savez comment faire une menace de mort de façon joviale.
Elle lui tend la main le sourire aux lèvres : « j’espère monsieur que je ne vous dégoute par ma main décomposée par la pourriture. Accepterez-vous de la serrer sans m’abattre? »
Monsieur la regarde mal à l’aise. Peut-être vient-il de comprendre qu’il s’adressait d’abord à un humain. Peut-être a-t-il été surpris par la taloche donnée par l’une des deux femmes qui n’arrête pas de s’excuser visiblement mal à l’aise par cette soudaine menace de mort. Il lui serre la main en bredouillant des espèces de : « Ce n’est pas contre vous mademoiselle ».
Trop tard.
Elle souhaite à tout ce beau monde une bonne soirée et leur rappelle d’aller voter.
Au fond, les gens sont bien sympathiques.
*Les noms ont été modifiés, évidemment.
Tu tombes vraiment sur gens qu'on a envie de rencontrer tous les jours hihi
Faut tellement avoir une carapace quand on fait ce métier, je t'admire beaucoup !! :)
Un excellent récit tout en subtilité et humour ! Upvoté à 100% !
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C'était une histoire vraie? Bon sang! Avec les élections provinciales qui approchent, j'espère que tous les candidats auront une carapace dure comme l'a si bien dit @crunchymomqc.