L'homme malade de l'Europe

1er Aout 2017

« J'en ai marre des parvenus. Il n'y a pas de place pour les parvenus au parti socialiste »(1). Cette phrase est d’Elio Di Rupo. Il n’est pas très connu hors de Belgique, mais c’est l’actuel chef du parti socialiste wallon et ancien premier ministre. Il a été élu pour la deuxième fois en 2014, par 93,6 % des voix, chef de ce parti dont il a été pour la première fois le chef en 1999 (2). Cet article n’est en aucun cas une attaque personnelle contre lui mais plutôt une analyse. Il est resté tellement longtemps au parti socialiste wallon et y a tout vécu. Des premiers affaiblissement dû a des affaires et a un manque d’engagement électoral vers le début des années 2000 (la phrase du début vient de cette époque) jusqu’à l’effondrement complet avec les rats qui quittent le navire. Ce qui est entrain de ce produire et arrivera à son terme en mai 2019 , quand son parti enregistrera une défaite électorale historique (3). En Attendant, le seul levier d’action d’Elio est de limiter plus ou moins les pertes, ce n’est plus que du damage-control à partir de maintenant. Et c’est le cas dans de nombreux pays d’Europe.

Qu’est-ce qui explique cette lente mais sûre dégringolade des partis sociaux-démocrates partout en Europe occidentale ? Aux Pays-bas, le PVDA est arrivé 5ème aux dernières élections législatives ; en France, le candidat du parti sortant a eut du mal à réunir 5 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle ; en Belgique, la déconfiture est déjà prévue pour dans un peu moins de 2 ans maintenant. En Allemagne, Schulz arrive à sauver jusqu’à présent les pots cassés et empêche Die Linke de lui siphonner son électorat. Il convient cependant de nuancer ces défaites à répétitions. Au Royaume-Uni, le Labour de Jeremy Corbyn va très bien et a réussi en mai dernier à mettre à mal Theresa May. Également, quand on regarde au niveau européen, si les élections européennes étaient organisées aujourd’hui, le groupe S&D s’en sortirait bien, ne perdant que quelques plumes (4) . C’est que le climat politique et les comportements des partis sociaux-démocrates n’est pas le même partout. Au Royaume-Uni, le coup de mou des élections générales de 2015 a permit l’élection de Mr Corbyn à la tête du Labour, qui, en chassant à gauche, à réussi à relever son parti. En France, la même chose a failli avoir lieu, avec Mr Hamon, mais c’était sans compter sur le manque de confiance qu’il y a maintenant dans l’institution même du parti socialiste français, qui avait, pour rappel, mené au poste de premier ministre un homme qui avait fait 5,63 % aux primaires précédentes (5). C’est aussi pour ça que les résultats au niveau européens ne changent pas tellement, là où le PS Français s’effondre, son équivalent Roumain ou Maltais se porte excessivement bien. Beaucoup d’intellectuels Français agissent comme si la chute du PS marquait la fin d’une ère et le début d’une nouvelle (6)(à l’image des américains qui un an plus tôt voyait l’élection de Trump comme le début d’une série de victoire pour l’extrême droite, ce qui ne fut évidemment pas le cas). Ce n’est en réalité qu’un phénomène qui se présente dans certains pays d’Europe occidentale continentale (France, Belgique, Pays-Bas) et en aucun cas une espèce de megatrend globale qui emmènerait dans son sillon les cadavres des socialistes du monde. Cette chute est due à une mutation des partis socialistes, ils n’étaient pas tous sociaux-libéraux comme aujourd’hui, mais le bien plus souvent sociaux-démocrates. La nuance peut sembler faible à notre époque mais elle est énorme. Les sociaux-libéraux défendent une certaine forme de justice sociale dans un environnement concurrentiel de marché (c’est l’école de Jacques Delors, par exemple) tandis que les sociaux-démocrates cherchent, par la voie de la démocratie, à transformer la société capitaliste en société socialiste. Les querelles entre socialistes et communistes des années 20-30 du siècle dernier ne portait pas sur si il fallait établir une société socialiste ou pas, cela était acquis. La vrai question était de savoir si il fallait massacrer à coup de Cheka l’état capitaliste bourgeois et construire par dessus ou au contraire le transformer en état socialiste via des réformes successives. Aujourd’hui, en partie à cause du carriérisme de beaucoup de cadors des partis socialistes, qui venaient là comme dans n’importe quel parti de gouvernement, non par conviction, mais simplement par envie d’être au pouvoir et de gouverner, la jadis section française de l’internationale ouvrière n’a plus un seul (!!) ouvrier député. Les racines sont loin, le parti a changé sociologiquement. Et aux vues de leurs scores actuels, on peut dire qu’ils ont en quelque sorte raté leur « redéploiement sociologique ». D’ailleurs la chute des institutions socialistes tient plus de la clarification qui met à la poubelle le mythe comme quoi ils seraient de gauche qu’autre chose. En France, les zones qui votaient Hollande votent désormais Macron (7), en Belgique, ce n’est pas encore très clair. Les sociaux-libéraux francophones semblent se diriger vers le Mouvement réformateur et le parti écolo. Pour les Pays-bas, ils se dirigent vers le parti democrat 66 et l’appel chrétien-démocrate. La chute des partis sociaux-démocrates semble répondre à une logique de seuil. Il y a un seuil de « politique corrompue et de droite » pour parler de manière crûe, que l’électorat accepte, après quoi, le parti va s’effondrer sur l’espace d’un an. Les raisons de ce passage de seuil semblent être difficile à cerner, mais je vais tenter ici une analyse succincte. Les conditions qui doivent être remplies semblent être : une alternative à gauche du parti social démocrate crédible (Groen Links, la France insoumise ou le PTB). Une espèce de maladie de leadership, il faut que le leader n’inspire aucun espoir pour la jeunesse par exemple. Cette seule deuxième condition conduit à une morosité électoral, pas une chute, mais on sent que c’est morose. C’est le cas en Allemagne actuellement (8), mais l’effet de seuil ne semble pas avoir encore été franchi, vu leur score dans les sondages (9) toujours loin devant les verts et Die Linke. Il faut, d’une manière ou d’une autre, être au pouvoir. Pas forcément seuls aux manettes comme se fut le cas en France entre 2012 et 2017, mais simplement être le second d’une coalition (cas du PVDA aux Pays-bas avant sa chute) peut suffire ou pire, comme pour le PS wallon, être dans un gouvernement régional (avec un allié centriste, le CdH, qui, une fois la mort du PS entériné par un sondage début juillet (voir (3) ) et l’heure du centrisme en politique annoncé par Emmanuel Macron en France, ont jeté leur allié socialiste pour former un gouvernement de centre droit avec le Mouvement Réformateur. De façon étonnante, le CdH n’a pas souffert autant dans les sondages que le PS, preuve que l’effet de seuil ne concerne que les partis étiquetés « socialistes »). En Allemagne, le seuil n’est plus très loin. Il manque peut-être un parti centriste pour absorber les voies des fans du SPD qui ne sont pas prêt à voter Die Linke. Apparemment, ils, contrairement au parti du travail de belgique, n’arrivent pas à faire se détourner toutes des franges de la population d’un SPD pourtant mal en point. C’est probablement dû au fait que beaucoup d’Allemands associent Die Linke avec l’Allemagne de l’est. Imaginaire collectif totalement absent de Wallonie, pour des raisons historiques évidentes. Les socialistes européens ne sont pas prêt de mourir, mais forcé de constater que dans quelques pays, ils s’effondrent du jour au lendemain en laissant un boulevard au centre et à l’extrême gauche. Le prochain parti socialiste en lis pour l’effondrement semblerait être le SPD, le mystère plane quant à la date de cet effondrement ; avant ou après les législatives de septembre prochain ?

sources et licences : (1) « J’en ai assez des parvenus! », Christian Carpentier dans la DH, le 5 octobre 2005 (disponible à : http://www.dhnet.be/actu/belgique/j-en-ai-assez-des-parvenus-51b7c593e4b0de6db98d25cc ) (2) Elio Di Rupo retrouve la présidence du PS, Belga, le 22 novembre 2014 (disponible à: http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/elio-di-rupo-retrouve-la-presidence-du-ps-547105363570e74ee313420b ) (3) Le PTB premier parti de Wallonie si l’on votait aujourd’hui, selon un sondage, RTBF avec Belga, le 1 Juillet 2017 (disponible à : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-ptb-premier-parti-de-wallonie-si-l-on-votait-aujourd-hui-selon-un-sondage?id=9648886 ) (4) À quoi ressemblerait le parlement Européen si il était élu aujourd’hui ?, marsxyz, le 18 juillet 2017 (disponible à : https://steemit.com/fr/@marsxyz/a-quoi-ressemblerait-le-parlement-europeen-si-il-etait-elu-aujourd-hui ) (5) Décret du 31 Mars 2014 portant nomination du Premier ministre, 31 mars 2014 (disponible à : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000028811098&dateTexte=&oldAction=dernierJO&categorieLien=id ) (6) Fin de cycle pour la social-démocratie, Le Monde Diplomatique, Mars 2016. (disponible à : https://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/A/54964 ) (7) Présidentielles entre deux dimanche, Là-bas si j’y suis, 28 Avril 2017. (37:20 et suivant) (8) Les sociaux-démocrates allemands sans boussole, William Irigoyen, Juillet 2017 (disponible à : https://www.monde-diplomatique.fr/2017/07/IRIGOYEN/57632 ) (9) Wenn am nächsten Sonntag Bundestagswahl wäre … , Wahlrecht , sondage du 29 juillet 2017 . (disponible à : http://www.wahlrecht.de/umfragen/emnid.htm ) Le texte est sous licence CC BY-SA 3.0 . La première image est sous licence CC BY-SA 2.0 et voici des liens vers les images qui ont servis à le faire : https://frama.link/ET4V9ehL et https://frama.link/8js_6qK6 . Le graphique est sous licence CC0.