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Travail n°1 : Interactions médicamenteuses des Anti-Vitamine K

Les Anti-vitamine K (AVK) sont des anticoagulants oraux fréquemment prescrits car les maladies thromboemboliques sont fréquentes (plus de 50% des patients dans le service de médecine interne sont sous anticoagulants).
Mécanisme d’action des AVK :
Les AVK ont un effet anticoagulant indirect.
Ils empêchent la transformation en formes biologiquement actives des quatre facteurs de la coagulation vitamine K dépendants (facteurs II, VII, IX et X) et de deux inhibiteurs physiologiques (les protéines C et S), réduisant ainsi l’activité coagulante de ces protéines. Cette activité est due à l’inhibition de la K-époxyde réductase et de la K-NADH réductase qui sont des enzymes responsables de la régénération de la vitamine K au niveau hépatique.
Il existe 3 médicaments disponibles de cette famille :
Les coumariniques : L’acénocoumarol, La warfarine
Les dérivés de l’indanedione : la fluindione.
Seul l’acénocoumarol (Sintrom®) est disponible en Tunisie.
Indications :
Prévention des complications thrombo-emboliques en rapport avec certains troubles du rythme auriculaire (fibrillations auriculaires, flutter, tachycardie atriale), certaines valvulopathies mitrales, les prothèses valvulaires.
Prévention des complications thrombo-emboliques des infarctus du myocarde compliqués, en relais de l’héparine.
Traitement des thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire ainsi que prévention de leurs récidives, en relais de l’héparine.
➔Les AVK sont majoritairement indiqués dans le cadre d’un traitement chronique.
Particularités :
Ces médicaments sont particulièrement difficiles à utiliser pour les raisons suivantes :
• la fenêtre thérapeutique est étroite.
• il existe une grande variabilité de la réponse inter et intra-individuelle en raison de facteurs génétiques et environnementaux.
• il existe de nombreuses interférences médicamenteuses et alimentaires.
• les méthodes de contrôles biologiques sont difficiles à standardiser ;
• le maintien dans la zone d’équilibre nécessite une bonne coopération entre le patient et le médecin et une bonne compréhension du traitement par le patient.
➔Ce sont donc des traitements potentiellement dangereux en cas de sous-dosage (thrombose) ou de surdosage (hémorragie), ce qui nécessite un suivi rigoureux de l’état du patient par l’INR (International Normalised Ratio), surtout au début du traitement, jusqu’à obtention de l’INR cible (en général compris entre 2 et 3 mais peut aller jusqu’à 4,5 selon l’indication).

Interactions
Nombreuses et à différents mécanismes

Pour étudier les interactions pharmacocinétiques, il faut connaître les propriétés pharmacocinétiques des AVK :
Résorption digestive complète
Dans le plasma, ils sont fortement liés à l’albumine (90 à 99 %). Seule la forme libre est active.
Métabolisés par le foie par les cytochromes, majoritairement par le CYP450 2C9. L’activité du CYP2C9 peut varier sous l’influence de facteurs environnementaux (alimentation, médicaments), physiopathologiques ou génétiques (polymorphismes génétiques). Ceci explique la multitude des interactions médicamenteuses de ces molécules, et la variabilité inter et intra-individuelle de la réponse aux AVK.
Elimination dans les urines
Le délai d’action est lent : dépend de la demi-vie des facteurs inhibés. La demi-vie des facteurs de coagulation dépendant de la vitamine K, varie de 6 heures (facteur VII, protéine C) à 2 ou 3 jours (facteur X et II). Après administration d’AVK, les premiers facteurs dont les activités diminuent sont ceux dont la demi-vie est la plus courte, tandis que les derniers seront ceux dont la demi-vie est la plus longue. C’est pourquoi l’équilibre d’un traitement par AVK demande plusieurs jours.
➔Ainsi, l’équilibre d’un traitement par AVK est atteint au bout de 8 jours en moyenne.
L’action anticoagulante peut persister 3 à 4 jours après l’arrêt du traitement.
La demi-vie d’élimination est variable : courte avec l’acenocoumarol (8-10h), longue avec la coumadine (35h) et la fluindione (30h). Ce qui fait que ces anti-vitamines K se prennent par voie orale à raison de 1 à 2 prises par jour.
Dans tous les cas, la vitesse d’obtention d’un nouvel état d’équilibre est comprise entre 4 et 5 demi-vies après toute modification de posologie (environ 1 à 2 jours pour l’Acénocoumarol).
Rythme d’administration
SINTROM : ces médicaments peuvent être administrés en une ou deux prises par jour à 12 heures d’intervalle.
En cas de prise unique, il est préférable que la prise ait lieu le soir, afin de pouvoir modifier la posologie dès que possible après les résultats de l’INR du lendemain matin.
Les interactions médicamenteuses des AVK

A/ Interactions augmentant l’effet anticoagulant et le risque hémorragique
Interactions contre-indiquées

Acide acétylsalicylique (>=1g/prise et/ou >=3g/j) ou (>=500mg et/ou <3g/j avec ulcère gastroduodénal) : Majoration du risque hémorragique notamment en cas d’antécédent d’ulcère.
AINS pyrazolés (phénylbutazone) : Augmentation du risque hémorragique des AVK car ces AINS agressent la muqueuse gastroduodénale.
Mécanismes : Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) classiques (aspirine, phénylbutazone, ibuprofène, etc.) exposent à un risque hémorragique lorsqu'ils sont associés aux AVK par voie orale. Trois mécanismes expliquent ce risque.
Les AINS ont une action anticoagulante par leur effet antiagrégant sur les plaquettes sanguines. En cas d'administration conjointe d'AINS et d'anticoagulant, le temps de coagulation peut être excessivement allongé et entraîner un risque hémorragique.
Les AINS entraînent un risque d'érosion et d'ulcères digestifs susceptibles de saigner, plus longtemps sous anticoagulant.
Les AINS sont fortement liés aux protéines plasmatiques (jusqu’à 99%) donc ils entrent en compétition avec les AVK sur les sites de liaison à ces protéines et peuvent les défixer. (surtout parce que les AVK sont des MMTE, même une petite variation de la concentration de leur fraction libre ramène à des conséquences graves).
Miconazole par voie générale ou gel buccal : Hémorragies imprévisibles plus ou moins graves car le miconazole est d’une part un inhibiteur enzymatique qui inhibe le métabolisme des AVK, et d’autre part il entre en compétition avec les AVK au niveau des sites de liaison aux protéines plasmatiques.
Interactions déconseillées :
Acide acétylsalicylique (>=500mg et/ou <3g/j) en absence d’ulcère gastroduodénal ou à dose antiagrégante (de 50 à 375mg/j) avec ulcère gastroduodénal.
AINS sauf les pyrazolés : Augmentation du risque hémorragique des AVK car ces AINS agressent la muqueuse gastroduodénale.
➔Surveillance clinico-biologique étroite.
Fluoro-uracile : Vu l’augmentation du risque thrombotique et hémorragique au cours des affections tumorales donc il y a une possible interaction entre les AVK et la chimiothérapie.
➔Contrôler plus fréquemment l’INR et si nécessaire adapter la posologie de l’AVK pendant le traitement par le cytotoxique et 8 jours après son arrêt.
Nécessitant des précautions d’emploi
Les inhibiteurs enzymatiques des cytochromes 2C9 : inhibent le métabolisme hépatique de l’AVK d’où l’augmentation de sa concentration plasmatique et de son effet anticoagulant
Allopurinol
Amiodarone
Cimétidine (à des doses ≥ 800 mg/j)
Nitro-5-imidazolés (métronidazole, ornidazole, secnidazole, tinidazole)
Fluconazole, itraconazole, voriconazole
Cisapride
Colchicine
Econazole : Quelle que soit la voie d’administration de l’éconazole
Antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline)
Fluoroquinolones (ofloxacine, péfloxacine, enoxacine, lomefloxacine, moxifloxacine, ciprofloxacine, lévofloxacine, norfloxacine)
Macrolides (azithromycine, clarithromycine, dirithromycine, érythromycine, josamycine, midécamycine, roxithromycine, télithromycine, troleandomycine)

Autres mécanismes
Cisapride : augmenterait l’absorption digestive de l’acénocoumarol par augmentation de la motilité gastrique.
Fibrates, Inhibiteurs de l’HMG CoA-reductase (atorvastatine, fluvastatine, rosuvastatine, simvastatine) et les sulfamides (Sulfaméthoxazole, sulfafurazole, sulfaméthizol): Ces molécules vont augmenter l'efficacité de l’AVK en le sortant de ses réserves sanguines (transporteurs). L'INR sera plus élevée même avec la même dose de prise. Il y aura donc des risques hémorragiques.
Androgènes : Variation de l'effet anticoagulant par modification de la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation avec tendance à l'augmentation de l'effet de l'anticoagulant oral.
Pentoxifylline (vasodilatateur artériel et périphérique) : Majoration de l’effet anticoagulant puisque la pentoxifylline diminue le taux de fibrinogène sanguin et donne un risque de saignement
Cyclines : Potentialisation de l’effet des AVK par modification de la flore saprophytique : diminution de la synthèse de la vitamine K par les bactéries de cette flore
Vitamine E ≥ 500 mg/j (alpha-tocophérol : La vitamine E interfère avec l'activité de la vitamine K en facilitant la production des facteurs de la coagulation et en augmentation le besoin alimentaire en vitamine K

Héparines de bas poids moléculaire et apparentés et héparines non fractionnées (à doses curatives et/ou chez le sujet âgé) :
Majoration de l’effet anticoagulant
➔Lors du relais de l’héparine par l’anticoagulant oral, renforcer la surveillance clinique et suivre les recommandations des contrôles biologiques jusqu’à stabilisation de l’INR.
Hormones thyroïdiennes : levothyroxine: Augmentation du métabolisme des facteurs du complexe prothrombique.
➔Adaptation éventuelle de la posologie de l'anticoagulant oral lors de l'instauration du traitement d'une hypothyroïdie ou d'un surdosage par les hormones thyroïdiennes. Un tel contrôle n'est pas nécessaire chez les patients sous traitement thyroïdien substitutif stable.
Glucocorticoïdes : Impact éventuel de la corticothérapie sur le métabolisme de l'anticoagulant oral et sur celui des facteurs de la coagulation.
En plus on note le risque hémorragique propre à la corticothérapie (muqueuse digestive, fragilité vasculaire) à fortes doses ou en traitement prolongé supérieur à 10 jours.
Pour la méthylprednisolone (en bolus de 0,5 à 1 g) : Contrôle de l'INR 2 à 4 jours après le bolus de méthylprednisolone ou en présence de tous signes hémorragiques.
◊ Problème particulier des antibiotiques
La Co-prescription des AVK avec les antibiotiques nécessite un contrôle précoce de l’INR du fait de l’augmentation de l’activité des anticoagulants oraux chez des patients recevant des antibiotiques. Le contexte infectieux ou inflammatoire marqué, l’âge et l’état général du patient apparaissent comme des facteurs de risque. Dans ces circonstances, il est difficile de faire la part entre la pathologie infectieuse et le traitement antibiotique dans la survenue du déséquilibre de l’INR. Certaines classes d’antibiotiques sont davantage impliquées : il s’agit notamment des fluoroquinolones, des macrolides, des cyclines, du cotrimoxazole et de certaines céphalosporines, dont l’utilisation impose de renforcer la surveillance de l’INR.
Associations à prendre en compte
Alcool en intoxication aigue :
Variations possibles de l'effet anticoagulant : augmentation de l’effet en cas d'intoxication aiguë par l’alcool. (En revanche on remarque diminution de l’effet anticoagulant en cas d'alcoolisme chronique car le métabolisme est augmenté dans ces circonstances).
Antiagrégants plaquettaires
Acide Acetylsalicylique à doses antiagrégantes (de 50 mg à 375 mg par jour) en l’absence d’antécédent d’ulcère gastro-duodénal
B/ Interactions qui diminuent l’effet anticoagulant
Interactions contre-indiquées
Millepertuis : Diminution des concentrations plasmatiques et donc de l’effet de l’AVK car millepertuis est un inducteur enzymatique ; baisse de l’efficacité ➔Risque d’évènement thrombotique.

Interactions nécessitant des précautions d’emploi
Inducteurs enzymatiques des cytochromes: Diminution de l’effet de l’AVK par augmentation de son métabolisme hépatique
Anticonvulsivants inducteurs enzymatiques (carbamazépine, fosphénytoine, phénobarbital, phénytoïne, primidone) : Diminution (ou, rarement, augmentation avec la phénytoïne) de l’effet de l’anticoagulant oral.
Griseofulvine
Rifampicine

azathioprine : Diminution de l’effet de l’anticoagulant oral par augmentation de son métabolisme hépatique.

Autres mécanismes
Colestyramine : Diminution de son absorption intestinale).
➔Prendre la colestyramine à distance de l'anticoagulant oral (plus de 2 heures, si possible)
. Tous les pansements intestinaux ou gastriques peuvent diminuer la pénétration de l'AVK dans l'organisme. Le patient risque alors de voir baisser son INR.
Il est à conseiller dans ces cas-là de prendre son traitement AVK au moins 2h avant la prise d'un pansement digestif ou intestinal par voie orale.
Même chose avec les produits à base de charbon activé ou avec les capteurs de graisses.
Associations à prendre en compte
Alcool en cas d’alcoolisme chronique: Diminution de l’effet anticoagulant en cas d'alcoolisme chronique car le métabolisme est augmenté.
◊ Problème particulier des anti-cancéreux
En raison de l’augmentation du risque thrombotique lors des affections tumorales, le recours à un traitement anticoagulant est fréquent. La grande variabilité intra-individuelle de la coagulabilité au cours de ces affections, à laquelle s’ajoute l’éventualité d’une interaction entre les anticoagulants oraux et la chimiothérapie anticancéreuse, imposent, s’il est décidé de traiter le patient par anticoagulant oraux, d’augmenter la fréquence des contrôles de l’INR. Certains préfèrent les héparines en admettant que les AVK sont inefficaces dans les cancers.
Prise en charge du surdosage en AVK
Traitement curatif en cas de surdosage
Les surdosages constituent une situation très fréquente et dans 15 à 30 % des cas, ils sont asymptomatiques. D’où l’importance de la surveillance rigoureuse du risque d’hémorragie par des contrôles réguliers de l’INR, d’autant plus lorsqu’il y a un risque d’interaction qui pourrait potentialiser l’effet anticoagulant.
Selon les recommandations de l’HAS
En cas de surdosage asymptomatique ou d’hémorragie non grave, les mesures suivantes sont recommandées :
► En cas de traitement par AVK avec un INR cible à 2,5 (fenêtre 2 - 3)
• INR < 4 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;
• 4 ≤ INR < 6 : saut d’une prise, pas de vitamine K;
• 6 ≤ INR < 10 : arrêt du traitement, 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale;
• INR >= 10 : arrêt du traitement, 5 mg de vitamine K par voie orale
► En cas de traitement par AVK avec INR cible >= 3 (fenêtre 2,5 - 4,5)
• INR < 6 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;
• 6 ≤ INR < 10 : saut d’une prise. Un avis spécialisé (ex. : cardiologue si le patient est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique) est recommandé pour discussion d’un traitement éventuel par 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale
• INR >= 10 : un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé. La cause du surdosage doit être recherchée et prise en compte dans l’adaptation éventuelle de la posologie. Un contrôle de l’INR doit être réalisé le lendemain.
En cas de persistance d’un INR suprathérapeutique, les recommandations précédentes restent valables et doivent être reconduites.
La surveillance ultérieure de l’INR doit se calquer sur celle habituellement réalisée lors de la mise en route du traitement.
En cas d’hémorragie grave ou potentiellement grave (abondance du saignement apprécié notamment sur le retentissement hémodynamique, localisation pouvant engager un pronostic vital ou fonctionnel, absence de contrôle par des moyens usuels, nécessité d’une transfusion ou d’un geste hémostatique en milieu hospitalier.)

-Prise en charge thérapeutique d’un surdosage grave en AVK-

Remarque : CCP = concentré de complexe prothrombinique, aussi appelé PPSB.
L’administration accélérée des CCP est possible en cas d’extrême urgence.
Traitement préventif

  • Respecter les contre-indications aux AVK (AVC hémorragique de moins d’une semaine, traumatisme crânien récent, intervention chirurgicale récente, ulcère gastro-duodénal évolutif, varices oesophagiennes, insuffisance rénale et hépatique graves, troubles cognitifs ou mnésiques rendant l’observance thérapeutique aléatoire) ;
  • Connaître les interactions médicamenteuses, les aliments contre-indiqués ;
    -Limiter le traitement dans le temps (suivre notamment les recommandations concernant la durée du traitement anticoagulant après maladie thrombo-embolique)
  • éviter INR > 4,5
  • éviter injections intramusculaires, prendre des précautions en cas de soins dentaires
  • connaître les principales zones thérapeutiques à atteindre :
  • relais héparine-AVK : superposition des 2 traitements durant 3 – 4 jours surveillance par TCA, INR, voire héparinémie
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